jeudi 18 mai 2006

Vol Prague – Hurgada

Vol Prague – Hurgada

1h du matin me réveille… Je dépose un baiser sur son épaule, elle me répond dans un murmure et se rendort… Début d’une longue journée qui commence à pas feutrés dans cet appartement Praguois.


Le décollage est prévu à 4h25 locale. C’est mon premier vol à une heure aussi matinale. Dur de trouver le sommeil en début de soirée et inévitablement c’est au beau milieu des rêves que la sonnerie du portable m’a trouvé.


Je sors dans une nuit vide de bruits. La route menant à l’aéroport est déserte mis a part quelques nappes de brouillard et je mets 20mn au lieu des 45 habituelles. A l’approche des lumières du Terminal je croise enfin quelques traces de vie dans une danse de taxis au niveau des arrivées. Sans doute nos prochains passagers avec les joies des enregistrements 2h en avance et l’attente en salle d’embarquement… A tout a l’heure…


Devant le building de forme étonnement ovale de la compagnie, le vieux DC3 tel un Sphinx des temps modernes garde la tête fière dans les projecteurs. Cet avion à une grâce indéchiffrable avec ce poste de pilotage haut perché comme prêt à prendre un dernier envol. Salut l’ancien ! Le badge de rigueur m’ouvre les portes du quartier équipage lui aussi désert. Il n’y a que des vols charters pour ces horaires et cette nuit il n’y en a qu’un au départ pour Hurgada.


Tout en montant aux vestiaires. Je me surprends à sourire à ce parcours nocturne en solitaire. Je me souviens de ces soirées en bord de piste à l’aéroport de Blagnac à regarder partir pour de mystérieuses destinations ces vaisseaux rugissants. Un capot de voiture au seuil de piste 14, et ces minutes d’attente en écoutant cette terre toulousaine portant mes rêves d’avions. Le berceau de l’aviation, cette histoire, ces hommes qui ont tant osé et moi dans cet instant cherchant ma voie dans ces lumières jaunes et bleues. Et puis au loin, sur la piste, une étoile venait au monde. Elle s’élançait timidement prenait peu a peu de l’assurance, poursuivait sa course rectiligne et accélérait pour devenir rayonnante. C’est alors que le silence faisait place au rugissement et que l’avion dans son habit de lumières devenait vivant. Instant ou mon envie un jour d’être aux commandes dessinait au-dessous de deux yeux grands ouverts un sourire d’enfant tandis que la terre vibrait dans un dernier au revoir… Un jour…


Des mois plus tard je me bats pour placer correctement ces galons sur ma chemise me disant une fois de plus que c’est mieux de le faire avant de l’enfiler. Je ne maîtrise pas encore la procédure habillage, ça viendra. Dans la salle des préparations je m’en sors mieux, le rituel est toujours le même : impressions de documents interne pour le vol tels que la composition des membres d’équipage, vérifier s’il y a des caractéristiques particulières au tableau d’affichage concernant d’éventuels appareils défectueux sur l’appareil, récupérer la valise de bord contenant les cartes Jeppesens et enfin le fameux dossier de vol. Ce dernier va m’occuper la prochaine demi-heure. Etude de la météo, le temps s’annonce radieux avec son cortège de CAVOK un peu partout. Du vent fort du Nord en altitude laisse prévoir un retour plus long que l’aller et prévision de turbulences avant de survoler la Grèce. J’étudie ensuite les Notams : Quelques taxiways fermés a Prague et un Vor/Dme hors service qui concerne notre départ. Vu que celui-ci est un départ R-Nav, on utilisera la position FM du VOR bien que celui-ci ne fonctionne pas… Vive le progrès et les Gps ! Leçons de pliages en accordéons ensuite avec les logs de nav informatiques. Originaux pour le capitaine, copies pour moi. Je vérifie les infos et j’essaie de deviner ce que va être la décision carburant du patron…


L’équipage arrive alors, deux hommes, trois femmes qui s’assaillent à une table voisine. Le chef de cabine se fait connaître me demandant si il y a des infos particulières sur le vol et si le capitaine est la. Non, toujours pas, je commence même à me demander silencieusement si tout va bien vu que nous sommes à une heure du départ. L’équipage affiche rapidement une ambiance décontractée. Ca blague visiblement très fort, pas besoin de parler la langue. Les rires sont toujours bon signe pour la cohésion équipage...


Le capitaine arrive enfin. Présentations rapides et décision pour le carburant : 18,4 tonnes, j’étais dans la fourchette. Je passe rapidement au département masse centrage où je réveille le technicien de permanence. J’annonce la constitution de l’équipage, le carburant que nous prenons, le trip fuel. Pas d’infos particulières en retour sur les matières que nous allons transporter. OK-CEC, notre 321 aujourd’hui est annoncé en poste 5. L’équipage au complet se retrouve dans le hall de départ, salutations et présentations rapides, ‘‘oui je suis français’’, et nous prenons la navette pour l’aéroport. Descente habituelle au poste de police, contrôle de nos badges, passage aux portiques et nouvelle navette qui nous mène sur les parkings. Mais au parking numéro 5, rien. Pas d’avion mais du personnel de sol qui attend visiblement. On patiente. Le capitaine me redemande si je suis sur du poste et je confirme. Finalement il appelle les opérations et on apprend que l’avion est toujours au hangar pour une révision mécanique et que le vol va être retardé d’une heure… Ca grince des dents, demi tour, re-navettes, re-contrôles et on revient au point de départ. Ce ne sont pas à ces genres d’aléas que l’on pense de nuit en rêvant de ce métier. Finalement après 1h15 d’attente et une tentative de courte sieste, nous nous retrouvons sur ces escaliers mécaniques montant à la passerelle. Je serai PNF sur l’aller, je prépare donc rapidement le poste et effectue en suivant le tour de l’avion. C’est vraiment plus long un 321, ça commence à faire gros. Le refueling est en cour, tout va bien, je me dis une fois de plus que l’achat de bouchons d’oreille sera une bonne idée vu le bruit strident au niveau des packs et de l’APU.

J’aperçois nos passagers plus haut derrière les grandes vitres et j’imagine qu’ils doivent être contents avec ce lever matinal et ce retard… Aller, vous partez en vacances…


Retour en poste. Le capitaine a préparé sa partie et il opère le briefing standard. On reçoit la load-sheet et la Zero Fuel Weight actuel, on vérifie nos paramètres de collage (V1,Vr, flex…) et voici la première Check list. J’obtiens notre clairance départ et notre autorisation de push, contact avec l’équipe sol du capitaine, nouvelle check-list et départ de l’horloge.


Ça y est enfin, c’est à nous. La deuxième délivrance sera juste après la rotation. Il commence à faire jour et du brouillard entraîne la mise en place des Low Visibility Procedures. 2000m de visibilité sur la piste 24, pas de soucis pour nos minimas, juste faire attention au point d’arrêts Cat II avant la piste qui sont plus éloignés…


Autorisation de décollage derrière un ATR. Dernière check-list, alignement, ‘’Take off’’ annonce le CDB, départ des chronos et l’avion qui prend vie a force de vitesse. J’annonce 100 kt, Rotation et le bruit de roulement se transforme en un glissement aérien.


Juste après la rentrée du train, nous passons avec Prague Control nous autorisant pour un premier niveau et prise de cap sur-est. Le ciel est dégagé, nous avons rapidement transpercé la fine nappe blanche couvrant les collines tchèques. Nous atteignons le niveau 370 au niveau de la frontière avec l’Autriche et c’est à présent Vienne Control qui nous suit sur une centaine de nautiques. On distingue parfaitement la capitale avec la timide Bratislava juste derrière. Puis Budapest nous enveloppe dans ses accents et je découvre la ‘’mer’’ Hongroise qui se résume au lac Balaton d’une longueur de près de 60km. Le temps commence a s’assouplir tout autour. Etrange sensation de ralentissement sans doute liée au bercement sourd du frottement de l’air sur le cockpit et à ses plages de silences de plus en plus longues entre deux messages radios… Belgrade nous accueille ensuite… Le mot serbe en tête, cette sensation bizarre de survoler une terre encore en proie il y a peu a des horreurs, la guerre, des morts et ce constat qu’une fois de plus je fais preuve de lacunes sur mes connaissances sur l’histoire de cette partie de l’Europe. Le pays défile sur son axe nord\sud et nous relâche sur La Macédoine et Skopje Control avant de changer avec les Grecs. La terre fait alors place aux rives tortueuses et découpées donnant sur la mer Egée et je scrute en plissant des yeux une sorte de main de géant à trois doigts plongeant dans les eaux au sud de Thessalonik, ce trident de terre se nomme Khalkidhiki… J’ai toujours aimé la mer et cette sorte d’invitation perpétuelle au voyage contenue en elle. Le plaisir est immense de contempler ses nuances de bleu entourant les cotes. Nous passons à l’est d’Athènes et je commence à me confondre dans les noms des îles qui apparaissent les unes après les autres. C’est magnifique et je me promets d’y venir un jour naviguer en voilier, découvrir les cotes au rythme du vent et des envies… Khitnos, Siros, Paros et puis l’île de Santorin et au loin la crête sauvage étalant son long rivage. C’est à cet instant, 10 000m au-dessus des Cyclades que nous prenons notre repas, spectateurs privilégiés d’un sourire du dieu Elios sur ces terres antiques.

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