mercredi 24 juin 2009

L’été commence à Kiev…


Des CB en forme de cheminées immenses s’étiraient de toute leur longueur comme pour nous atteindre à 36000 pieds. Parfois les plus gros nous ont forcé à des manœuvres d’évitement. Vol Csa 816 Prague-Kiev en ce Mardi 23 juin. L’avion est plein et le personnel de bord est sollicité au maximum. Devant, première journée de vol pour un nouveau commandant sur le type et en place droite un de nos plus stricts instructeurs. L’ambiance est très pro, les questions fusent, les cerveaux chauffent et j’apprends une fois de plus de nouvelles choses. A gauche, des sueurs, a droite des sourires derrière le faciès sérieux. Ces deux pilotes se connaissent, s’apprécient, mais la pièce de théâtre en cours a ses règles et ses deux acteurs connaissent parfaitement leurs textes …

Pilote de sécurité pour moi. L’équipage à 3 est obligatoire pour les 10 premiers vols d’un nouveau pilote sur type. C’est mon 4eme ce mois ci, c’est parfois ennuyeux, mais aujourd’hui j’apprécie ma position d’observateur de tout ce monde aux cerveaux saturés d’obligations aéronautiques.
Le tarmac de Kiev sent la saison estivale. Les Boeing 737 de Ukraine International à l’empennage bleu et jaune semblent plier sous les 34 degrés d’une chaleur étouffante. 3 barrettes obligent, c’est a moi de faire pour la 4eme fois le tour de l’avion. J’apprécie de me détendre les jambes mais là, le passage des 25 degrés cabine aux 34 du béton m’étouffe. Le personnel au sol semble plongé dans un cliché italien, une dizaine de personnes profitent de l’ombre sous l‘avion, parlent et interpellent 3 hôtesses qui passent en jupes courtes grises tandis que deux travaillent nonchalamment au déchargement des bagages. Je souris et on me le rend à plusieurs reprises. Même ici, dans ces pays de l’Est plutôt réputés pour leur froideur le soleil arrive à changer le visage des humains…
Je continue ma danse autour de l’Airbus, enjambe des sacs, évite de justesse une gerbe d’eau sortant du trop plein du réservoir d’eau potable que remplit par l’arrière un camion reconnaissable par sa faible hauteur et son arrière très aplati. Les volets ainsi que les becs sont restés sur la position premier cran, procédure normale quand la température est supérieure a 30 degrés. Un coup d’oeil rapide me montre que les Airbus voisins d’Austrian et Alitalia on fait de même, ça sent l’été jusque dans la posture des avions…

J’apprécie les retrouvailles avec la fraîcheur du poste. Je discute avec les membres de l’équipage. Ils présentent tous des premières traces de fatigue. Pour tout le monde, ça a été un réveil vers 4h30 ce matin. Une première rotation sur Frankfurt suivi de par cette course chaude sur l’Ukraine. Il est 14h30, les corps commencent à s’exprimer par ces petits bâillements, ces yeux un peu plus plissés et ces sourires un peu plus forcés. Encore deux heures à tenir et ce sera le terme d’une journée bien remplie par le transport de plus de 400 personnes et le service du même nombre de plateaux repas et boissons, le survol de plusieurs pays d’Europe centrale, 4 atterrissages a plus de 200km/h et le tout sous un soleil qui une fois de plus nous aura déposé un peu plus de bleu au fond des rétines…

CSA 817, copy your clearance : Runway 36R, KR7C départure, climb initially 4000 feet, sqwack 4636 and when airbone contact radar 120,8…

Les mains s’activent, l’avion recommence à vivre…

jeudi 18 juin 2009

Le bourget 17/06/2009

Journée au salon du Bourget ce jeudi 17 juin 2009.

Il m'aura fallu attendre jusqu'à l'age de 36 ans pour enfin aller visiter ce salon. Un ciel couvert, une grande foule même si ce n'était pas encore une journée ouverte au public et la découverte de cet immense espace dédié a l'air et l'espace.


Je me suis tout d'abord perdu dans le labyrinthe des halls immenses à l'entrée abritant un nombre incalculable de fabricants et équipementiers mondiaux. Des allés sans fin d'ingénieries, de procédés techniques, d'enseignes et de plateaux argentés supportant toasts et champagnes. Ici un procédé à base de fibre optique pour des centrales inertielles, la une machine ressemblant plus a une immense araignée futuriste tissant dans un rythme étourdissant la trame de matériaux composites. Les techniques me surprennent mais après une bonne heure d'avalanche de sciences en tous genres et malgré mon enthousiasme initial mon cerveau eu vite besoin d'air et d'espace. Direction donc l'extérieur où se situaient les avions, finalités de toutes ces recherches.

Je découvre un immense espace ouvert ou s'enchaînent avions militaires et civils. Du métal, des silhouettes familières, toutes sortes de tailles, ages ou formats au milieu desquels se pressent une multitude de costumes/cravates aux regards sérieux. Le rugissement des moteurs du rafale me font alors lever la tête et je vais passer une bonne partie de l'après midi le nez en l'air a regarder avec de grands yeux les démonstrations en vol sous les commentaires de Bernard Chabert, ex présentateur du feu magasine Pégase. Les avions de chasses (Rafale, F18,F16, Eurofighter) griffent le ciel en rugissant, je reste surpris par l'évolution à basse vitesse de l'A380 ne pouvant m'empêcher de me demander si vraiment il n'y a pas un câble invisible retenant cette masse dans le ciel, je garde le sourire lors des évolutions du Lockheed Constellation toujours si majestueux et goutte sur la fin a un vrai moment de poésie en regardant évoluer Renaud Ecale sur son extra 330.


Je déambule ensuite entre les appareils et je suis séduit par un rare exemplaire d'un Consolidated PBY-5 Catalina. La visite est payante mais je n'hésite pas. Des retraités anglais le présentent avec une passion communicative. Odeur des vieux cuirs, du métal. Des milliers d'exemplaires construits dans le passé, une douzaine à peine en état de vol a ce jour et celui ci de 1944 est magnifiquement entretenu. Le cockpit authentique à peine gâché par deux GPS modernes est un réel plaisir des yeux.





Je ne peux m'empêcher ensuite de traîner par le hangar ou les deux concordes se font face. Petite nostalgie face à ces lignes majestueuses qui ont marqué mon enfance. Je rencontre un des mécanicien de l'airbus A300B-2 qui stationne à proximité. Cet appareil est utilisé pour effectuer des vols paraboliques recréant quelques secondes de microgravité. Une visite m'est proposée et j'accepte avec enthousiasme. Mon interlocuteur parle avec amour ce cet avion au freins encore en acier et aux soutes toutes carénées. Il y travaille dessus depuis des années, le connaît par cœur et me décrit cet ambiance rare de petite équipe soudée de pilotes et mécanos travaillant ensemble. Une visite du poste m'amène à pouvoir discuter avec un des pilotes du CEV. Je m'attendais à des automatismes en tous genre pour la gestion des trajectoires paraboliques et bien non, tout ce fait à la main. Coupure des automatismes pour l'exercice, 40 degrés de maquette nécessitant du vrai muscle de pilote, réduction des gaz et répartition des taches pour la gestion de trajectoire. Un pilote saisi un second manche uniquement couplé à l'axe de tangage et gère la microgravité grâce à un accéléromètre tandis que l’autre s’occupe du roulis via un système de deux cordes reliées au manches pour un maximum de précision tout en informant en permanence son collègue de l’attitude de l’avion. Un mécano est présent pour la gestion des alarmes qui ne manque pas d’apparaître. Je suis séduit. Ca résonne d’anecdotes et de plaisanterie. Des personnes qui se connaissent bien et travaillant régulièrement ensemble. Cela manque dans l’aviation de ligne moderne ou on ne vole bien souvent qu’une seule fois avec la même personne...

En sortant je me promets de venir bientôt faire un tour dans cette immense soute aux rembourrages blanc dédiée aux exercices en apesanteur. La compagnie Novespace qui possède l’appareil ouvrira peut être des vols au public dans le futur, à suivre…




Je me dirige tardivement vers la sortie, sourire aux lèvres, l'aviation continue à m'émerveiller par sa diversité et par cette invitation constante aux rêves qu'elle continue de créer à tout age. Des décollages au loin en piste 09 à l’aéroport de Charles de Gaulle, mon métier me rappelle...





lundi 15 juin 2009

Ambiance nocturne



Lune Noire ce soir...


D´habitude la lumière de notre satellite décline une grande palette de gris et de blanc sur le sol et les nuages. En son absence le noir profond règne en maître. Cela fait bientôt deux heures que nous avons décollé de Prague pour Larnaca. Niveau de croisière 370, vitesse sélectée a mach .79 et un petit vent arrière de 60kt pour le moment. Atmosphère calme et feutrée. Réglage des lumières du cockpit et des instruments aux petits oignons, ensemble tamisé agréable, aucun photon agressif, les symboles se détachant en douceur sur fond noir, une parfaite ambiance pour se dilater la pupille au maximum.


Au dehors c’est une véritable invitation à la rêverie. Du noir de haut en bas avec deux camps de lumières adversaires. Sur la partie haute celles scintillantes, blanches et fines des étoiles tandis que sur la partie basse les orangées des villes se regroupent en chapelets discontinus. Difficile de discerner la limite des deux camps tant la nuit est profonde. Elle se devine sous la forme d’une bande encore plus noire plutôt qu’elle ne se perçoit. Lumières des astres face à celles des hommes. Univers des symboles, des mondes lointains, des fantasmes surplombant celui de la terre, du réel et de la vie humaine. Naviguer du regard entre ces deux espaces me donne souvent l’impression de plonger dans un vide immense. Unes a unes comparées, toutes les tailles des éléments considérés se réduisent à la petitesse. Tel une succession de poupées russes je suis petit dans cet avion qui est lui même petit sur cette planète elle même petite dans ce système solaire et ça continue galaxie, amas de galaxie, univers… Existe t il une limite ? Personne à ce jour n’a une réponse.


D’un regard j´embrasse une ville avec l´idée de ces centaines de vies assoupies, de l´autre les images anciennes de constellations qui ne me parviennent qu'aujourd'hui. Les questions sur la raison de tout cela, sur notre place dans cet univers, sur l’apparition de la vie s’accumulent. Sourire en sachant d’avance que je finirai sans doute ma vie sans réponses claires…


C’est alors que la lune fait diversion dans ce théâtre nocturne. Une percée timide dans une robe rousse s'accrochant a deux nuages sombres. Elle présente une demi face en forme de C, lune montante donc, et assez rapidement traverse la ligne d´horizon. Son ascension s'accélère en douceur et change sa couleur, le beige faisant place au blanc écarlate. Chypre scintille a présent dans la pénombre d’une mer endormie. « Le plus dur c’est de trouver une raison pour remonter » dit le plongeur en apnée Jacques Mayol incarné par Jean-Marc Barr dans le film le grand bleu. Il va être question de redescendre pour nous dans quelques minutes…


lundi 8 juin 2009

AF 447


Il y a une semaine

216 passagers, 12 membres d’équipage, 228 vies…


Apres le choc de la nouvelle, le pincement de lèvres, le froid dans le dos, la tristesse, difficile de ne pas être écœuré par les médias

Accumulations des articles, reprise sans aucune vérification des annonces des autres, spirale des interprétations et d’avis de pseudo experts ou consultants aéronautiques. Il faut en parler, il faut être à la une à tout prix. L’accident est si mystérieux qu’il alimente les imaginaires et supputations diverses. Dans une société ayant soif de réponses immédiates tout doit aller vite et on oublie ce que décence et précaution veulent dire.

Décence vis a vis des victimes, de leur famille. On parle d’êtres humains, de vies qui se sont éteintes, de douleurs, de chagrins et ces soit disant professionnels de la plume devraient être capable de respecter cela dans leurs annonces tant au niveau de l’exactitude de leur informations que de la forme. Il me semble que ces journalistes sont formés par des écoles, qu’ils doivent répondre à un certain code professionnel. Ne leur enseigne-t-on pas une certaine responsabilité vis a vis de leur écrits ?

Comment peut on utiliser le mot „soulagement“ pour signifier la découverte des corps sans vie. Ces personnes sont elles si pauvres en vocabulaire ? Comment peut on retransmettre de fausses infos sans aucune vérification. Pourquoi violer à ce point l’intimité des familles en détresse en étalant leurs images et leurs histoires. Il faut écrire, il faut faire son boulot. Il me semble que pour la plupart ils l’auraient fait en se taisant


J’ai cessé de lire tout articles à ce sujet. Les faits sont simples :

216 personnes rentraient de Rio sur Paris

12 membres équipage travaillaient à bord de l’airbus A330

Pour une raison encore non connue l’appareil disparu, aucun survivant

Les experts trouveront et expliqueront les raisons d’une telle catastrophe

Mais arrêtez d’écrire contre ce temps qui passe et laissez le faire son travail

Mes condoléances aux familles, moi je retourne voler


mardi 6 février 2007

L’Egypte et la course aux étoiles...



L’Egypte pour destination cette nuit. Ce pays qui m’a tant fait rêver enfant par les mystères et la richesse de son histoire. Un vol Prague – Hurghada – Brno, décollage prévu a minuit quinze. Une longue rotation, près de 10h de vol au total et un petit bémol au retour : deux heures de bus après notre atterrissage pour rentrer à Prague.

Je me couche à 18 h espérant réussir à trouver le sommeil. Une heure plus tard les opérations m’appellent. Le vol est retardé à 2 h du matin l’avion arrivant en retard du vol précédant. Je change le réveil d’heure, appréciable quand on est en demi sommeil….

La route déserte ensuite, la nuit, les lumières si spéciales de l’aéroport. J’arrive pour le briefing, 1h30 avant le départ. J’imagine les passagers en partance pour des vacances au soleil en train d’attendre depuis trop longtemps sans doute l’avion et son équipage. Notre personnel de bord va devoir une fois de plus gérer les grimaces. Nous sommes privilégiés à l’avant à ne pas avoir à être confrontés directement à nos clients

Nous décollons a 1:29 UTC. Le capitaine m’a laissé être PF sur la branche aller. Suite à un vol précédent ensemble, je sais qu'il n’aime pas trop devoir voler avec un pilote qui ne parle pas tchèque. J’apprécie qu’il me confie la perspective d’un atterrissage plus exotique que les habituels européens. Assez rapidement, poussées des moteurs sur le mode CLIMB notre A321 nous mène au dessus des nuages et nous virons sur un cap sud est en montée vers le niveau 350. En 25 minutes et quelques procédures et check-lists plus tard nous sommes en croisière a Mach 0.79. Rangement des Jeppsens, sortie des cartes En Route, calcul des estimées des prochains points de notre plan de vol et je diminue légèrement les lumières du cockpit. Peu à peu la danse des étoiles ouvre son spectacle et je sais que je vais devoir me méfier de leurs berceuses.

02:20 UTC, On passe avec Belgrade qui nous donne tout de suite un direct sur le point RAXAD, sortie de sa zone de contrôle, l’avantage de la nuit. Du coup nous virons de 15 degrés droite pour nous établir au cap 145. Jusqu’alors Jupiter, visible ce soir et proche de la constellation du scorpion nous tenait lieu de point de mire, à présent nous visons la constellation de la Balance sous le regard très éclairé de la lune.

Je sais que je survole la terre et qu’au dessus se dessine l’espace. C’est une interprétation de mon cerveau. Mais la vision primaire de mes yeux est simple : de partout, du noir et des lumières… Des lumières plus vives au sol, rapprochées, souvent nimbées de rouge comme de minuscules pores de laves et au dessus le grand noir et ses oasis qui scintillent. Mon esprit s’évade. J’ai devant moi la réalité de notre monde quand il n’est pas éclairé par le soleil. Une planète en mouvement se déplaçant dans un grand vide noir avec, au loin, ces minuscules lumières, ces manifestations d’autres lieux, d’autres possibles que le néant. Étoiles, galaxies, constellations offrant leur spectacle aux hommes accrochés à leur vaisseau spatial. J’ouvre grand mes yeux et intercepte le maximum de photons arrivant de si loin. Ces voyageurs ont mis des millions, des milliards d’années pour traverser tout cet espace et échouer au fond de ma rétine. Je contemple ce passé avec sourire. Cette étoile existe-t-elle encore dans cet instant présent? La pince du scorpion sera-t-elle toujours représentée par cet éventail de trois étoiles dans un million d’années ? Autant de non réponses et de vertiges face à tant d’immensité. Mais déjà un changement de fréquence me sort de mes rêveries ainsi qu’un ridicule plateau repas…

Passage avec Skopje Radar, direct sur le VOR SKP, direct sur Athènes… Bientôt Macadonia radar et le claquettement du grec dans les phrases des contrôleurs… Le Cdb ne dit pas un mot depuis le départ, il est plongé dans les FCOM et semble s‘ennuyer… Je tente quelques discussions sans succès. Barrière de la langue et pas de désir affiché de sa part pour communiquer donne une ambiance tristoune a ce cockpit. Tant pis, j’ai un super spectacle devant moi, je re-essaierai plus tard…

Le bord de mer approche avec la ville de Thessaloniki accrochée au rivage. Les lumières scintillent du fait des différences de températures du sol. Parfois toutes ces lumières me font vraiment penser à un volcan, faisant même surgir l’idée de cancer. Vision de tumeurs rougeoyantes accrochées à la terre tel un lierre étouffant… C’est à la fois beau et inquiétant.

Le scorpion monte sa pince de plus en plus haut au fil de notre descente au sud. Nous survolons la mer Egée après avoir laisser sur notre gauche la presqu'île de Khalkidhiki dessinant 3 doigts de terre avançant dans la mer et dont l’un deux porte le mont Athos.
Je grimace devant le minuscule plateau repas. Nous sommes sur un vol charter et comme à chaque fois nous avons droit au même plateau repas que nos passagers : la ridicule barquette contenant un semblant de pattes ou de riz. Ces vols là sont les plus longs pour nous, amplitude de 12h, 10h de vol et on nous sert de la M... Alors que sur les vols réguliers nous avons des plateaux très corrects… et …et …. Et finalement je souris, pensant à un ami pilote cherchant du travail qui me dirait " tu te plains ? “

03:50 UTC on passe à l’ouest de Héraklion, la Crête est sous les nuages et nous prenons un cap sur Alexandrie. Déjà la nuit devient bleutée à l’est sur l’horizon et un fin trait rouge fait son apparition, le soleil n’est pas loin. Les anciens égyptiens interprétaient le lever de soleil par le Scarabée Khépri poussant devant lui Ré (le soleil) hors du Noon… 4000 ans plus tard je continue à m’émerveiller devant ce spectacle. Nous pouvons expliquer physiquement aujourd’hui ces jeux de lumières naissantes par les équations de Maxwell. Il y a sans doute de quoi écrire une infinité de lignes de calcul sur le sujet, mais pour ma part, dans cet instant, mon cerveau semble tourner au ralenti, juste appliqué à suivre l’apparition des diverses couleurs rouge puis dans l’ordre jaune, vert et bleu formant ce spectre chaleureux. Je garde un sourire à cet idée d’un petit animal poussant devant lui sa descendance pour un éternel renouveau…

Petit à petit les étoiles s’effacent devant l’avancée des photons solaires se diffusant dans l‘atmosphère. Le scorpion résiste brièvement dardant sa pince au firmament avant de s‘incliner, Jupiter affiche une résistance vacillante mais déjà la constellation de la Balance à rejoint le royaume des symboles humains. La grande Méditerranée sombre s’étale à présent devant nous. Combien d’histoires, de légendes et de civilisations sont nées du bord des ces eaux. La Grèce, la Crête, l’Egypte, les Phéniciens, Carthage, autant de noms qui continuent aujourd’hui à porter l’histoire.

Turbulences soudaines qui me font lâcher le portable et me préparer aux commandes. Le pilote automatique tient malgré des turbulences violentes. Je réduis à mach 0,76 ce qui me donne autant de marge de sécurité pour la vitesse entre le Mach maxi et la VLS. Cela dure 10 mn, je propose de monter au 370 même si on risque de refermer le domaine de vol, au pire on redescendra. Pari gagnant ça devient plus calme en quelques minutes… Clin d’oeil de l’histoire? Éternuement d’un vieux dieux grec tel Poséidon ou Hélios allongé quelque part ?

Dans ce jour naissant on distingue peu à peu la cote égyptienne. Direct sur le VOR DBA a l’ouest d’Alexandrie proche d’un célèbre lieu qui en 1942 opposa les forces de l'Afrika Korps commandées par Rommel et italiennes aux forces britanniques de Montgomery : El Alamein.
On plonge dans le désert et l’ancienne oasis El Fayoum se dessine discrètement dans des ombres lactées.

04:35 UTC un franc rayon de soleil surgit de l’horizon. On dirait que la lumière souffle tout le paysage au dessous, les vagues sur le sable du désert donne une impression de houle crée par la lumière poussant le monde sous son parcours… Descente dans 23 minutes. La radio du Caire est une horreur, saturation de la fréquence en permanence, on tend l’oreille et on fait répéter. Dernières infos météo de Hurghada, QNH 1011, vent du 310, 12 noeuds, ce sera la VOR 34. Je prépare l’arrivée au MCDU tout en espérant une approche à vue, VOR HGD 4000 pieds et grand virage main droite sur la mer avant la finale.

Nous entamons la descente après avoir passé le Nil. No speed limit, ce sera 320 noeuds jusqu’au niveau 120. Nous passons une barrière de reliefs escarpés dont les arêtes sont rouge vif avec ce soleil naissant. Le mode TERRAIN est enclenché sur le ND même si nous sommes à présent dans des conditions acceptables de visibilité. Autorisés à l’approche à vue après que le contrôleur nous ait identifié à la verticale de l‘aéroport. Tout en réduction de vitesse je coupe l’autopilote, descente vers 2000 pieds et au cours du derniers virage avant l’alignement demande en séquence les volets 1, puis 2, le train puis les volets 3 . Finale, volets full, Check list avant atterrissage et un toucher tout en douceur a 05:18 UTC, dégagement par la droite. 5 minutes de taxi, le parking et les équipes qui prennent d’assaut notre vaisseau, l‘éventrant pour un retirer toute la substance touristique et le remplir a nouveau….

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Plus tard vol retour,

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07:17 UTC. On est repartis depuis une heure de Hurghada. Décollage en 34 sur la mer rouge qui au milieu de son bleu profond nous a montré une fois de plus des îlots de turquoise et ses rives arides se poursuivant sur des déserts auburn… Le Monastère Saint Catherine est quelque part dans ce mont Sinaï sur notre droite… Un des point qui nous est donne KAMIS me rappelle un de ces légendaires pharaons : Kamosé ou Kamosis selon les traductions. Fils de Séqénenré Taa 2 et frère de Ahmosis il fut un des grand acteur de la guerre menée 1500 ans av JC par les princes thébains aux Hyksos qui avait envahi le nord de l‘égypte. L’histoire dit qu’il a été tué au combat comme son père et que son frère a remporté la victoire finale sur l’envahisseur posant les bases de la 18e dynastie et initiant l’une des plus faste époque de l’Egypte pharaonique : le nouvel empire…
Peut être ce pharaon est il passé en char dans ce désert 3500 ans avant que l’on définisse de nos jour ce point par N29 17.0 E032 36,1 …
Un virage nord ouest nous emmène ensuite sur le Caire et la visibilité nous permet d’observer du sud au nord les deux pyramides du roi Snéfrou à Meidoum , la pyramide à degrés de Djoser à Saqqarah et enfin les trois célèbres pyramides de Gizeh . Ces dernières semblent livrer un combat depuis leur plateau de calcaire contre ce monstre urbain qu’est la capitale. Noirceur et pollution face à l’éclat des faces inclinées des dernières sépultures de Chéops, Chéphren et Mykherinos…

Cap sur Alexandrie. Je souris en pensant à cet instant, Je suis assis face à un des plus beau bureau du monde, à une altitude proche de 11000 m filant dans un tube pressurisé à près de 850km/h. Je tapote sur ce clavier alors que plus bas, les nuages dessinent des mosaïques ombragées sur la cote égyptienne… Émerveillements et fatigue, dernière lutte à vivre pour ce retour vers l'Europe centrale. La grande mer à nouveau et la république Tchèque dans 3 heures, au revoir la terre noire...